05.11.2016
La Clinique de Valère accueille régulièrement des médecins qui ont l’opportunité d’en dire plus sur leur spécialité et leur passion à l’occasion de conférences publiques et médicales. Les participants peuvent ainsi en savoir davantage sur un sujet qui les concerne et peuvent profiter de poser leurs questions à un expert.
Lors d'une conférence publique qui s'est déroulée à la Clinique de Valère, Dr. Med. Nicolas de Kalbermatten, spécialiste en endocrinologie et diabétologie, a répondu aux quelques questions sur la thématique du diabète que nous lui avons posées en marge de la conférence :
Quelles sont les différences principales entre le diabète de type 1 et de type 2 dans leur traitement?
Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune qui touche principalement les jeunes depuis l'enfance jusqu’à l’âge d’environ 40 ans, et qui se caractérise par la destruction du pancréas par des anticorps produits par le malade lui-même. Cette production d’auto anticorps est liée à une susceptibilité génétique que le patient a héritée. On retrouve aussi des diabètes de type 1 plus tard, entre 60 et 80 ans, aussi sous la forme d'une maladie auto-immune qui apparaît associée à d'autres maladies auto-immunes, comme la maladie de Biermer, ou des maladies de la thyroïde. Le traitement du diabète de type 1 se fait principalement par des injections d'insuline, le plus souvent multiples : 4 à 5 injections par jour avec des stylos pré-remplis d’insuline. Dans des cas plus particuliers, on utilise des pompes à insuline qui permettent une meilleure stabilisation du taux basal de l'insuline. Le traitement du diabète de type 1 nécessite une formation et un encadrement permanent à vie, car il peut changer selon le contexte social dans lequel se trouve le malade : activité professionnelle, activité physique, grossesse, maladies aiguës, interventions chirurgicales, etc. Le diabétologue reste en contact permanent avec le malade et il l’aide à gérer ces situations particulières avec des schémas spécifiques d’insuline.
Le diabète de type 2 est une maladie liée, elle aussi, à la génétique, mais principalement à l'influence de facteurs de risque externes qui modifient la constitution du malade, et peuvent accélérer l'apparition de l’intolérance au glucose. Il s'agit principalement de l’environnement, de l’alimentation, du poids, de l’activité physique, parfois de médicaments, et d’autres évènements qui peuvent perturber le métabolisme du sucre. Il peut y avoir des épisodes de stress qui peuvent déclencher un diabète. L’âge joue aussi un rôle important : l’incidence augmente avec les années. Le diabète de type 2 peut aussi apparaître pendant une grossesse. Le traitement est principalement oral (comprimés), mais avec la durée de la maladie, l’efficacité des médicaments diminue, et une insulinothérapie doit être commencée. Les critères de choix du traitement sont déterminés par la qualité du contrôle de la maladie
Comment est-ce que la prévention, le dépistage, le traitement du diabète, ont-ils évolués durant les 30 dernières années ?
Depuis les années 50, où la prévalence du diabète de type 2 oscillait entre 3 et 4% de la population adulte, le nombre de patients diabétiques n’a fait qu’augmenter d’année en année. Aujourd’hui, elle est de 6% pour les hommes et 4% pour les femmes. Ces chiffres varient d’un pays à l’autre, d’une ethnie à l’autre, et peuvent être parfois plus important. Cette épidémie de diabète, malgré des campagnes de dépistage, et l’augmentation de la durée de vie, est due principalement à une importante augmentation du surpoids et à l’obésité. En Suisse, 22% des jeunes entre 15 et 24 ans ont déjà un excès de poids, et ces chiffres augmentent avec l’âge. Malgré des campagnes de prévention, des informations publiques dans les écoles, des émissions ciblées dans les médias visuels, le surpoids et l’obésité ont augmenté de plus de 10% chez les deux sexes. Dans tous les pays du monde, les associations de soignants, les politiciens et les médias ont multiplié les interventions pour essayer d’inverser ces courbes, mais sans succès. Chaque pays, avec ses moyens, essaie de diminuer cette prévalence inquiétante du surpoids, en parlant alimentation et activité physique, mais peu d’actions concrètes ont débouché sur des résultats positifs. Par contre, le traitement du diabète s’est amélioré. Les antidiabétiques oraux sont mieux ciblés dans leur action, les insulines se sont purifiées et leur activité dans l’organisme est plus stable et précise. L’autocontrôle du diabète par le patient est de plus en plus précis et le malade a aujourd’hui accès au contrôle en continu de sa glycémie. Cela lui permet d’être plus réactif dans la gestion de ses comportements sociaux, comme l’activité physique et l’alimentation, car il peut voir sa glycémie en « live ».
Que pouvons-nous attendre de la science dans les prochaines années dans le domaine de la prévention, du dépistage et du traitement du diabète ?
Jusqu’à aujourd’hui le scientifique, comme le politique, ont essayé de réduire cette courbe ascensionnelle en intervenant là où il y avait le problème : comment faire maigrir les obèses pour prévenir l’apparition d’un diabète de type 2 ? Ceci est de la prévention secondaire.
La lutte est difficile et on intervient quand la maladie métabolique est là. L’accès illimité à l’alimentation, la volonté de se sédentariser le plus possible, l’accélération du rythme de vie avec toutes ses conséquences désastreuses sur l’individu de plus en plus stressé et anxieux, ont poussé les individus dans des comportements inadéquats qui vont de la malbouffe, à la dépendance de toxiques, alcool et tabac. Si l’on veut être efficace dans le futur, il faudra repenser tout notre modèle socio-économique et centrer nos actions sur l’individu dans son environnement, et non pas sur la croissance et ses performances. Ce pari ne pourra être gagné que si les scientifiques et les politiques se rencontrent pour établir les vrais enjeux de la santé publique : offrir la possibilité à l’homme d’avoir accès à une alimentation saine, lui donner les moyens d’avoir une activité physique réaliste dans sa vie de tous les jours. Ces actions devront toucher toutes les couches sociales, et surtout les plus défavorables. C’est dans cet environnement que le surpoids explose.
Sur le plan thérapeutique, les grandes études avec des médicaments n’ont donné que des résultats mitigés. Seule la perte de poids permet de retarder l’apparition du diabète : le mieux est de ne pas en prendre dès l’enfance. La chirurgie bariatrique, qui était réservée autrefois aux gros obèses, est maintenant entrée dans l’arsenal thérapeutique de prévention du diabète. Cette technique qui permet mécaniquement de perdre du poids retarde l’apparition d’un diabète de type 2, et permet aussi d’éviter l’apparition de complications invalidantes chez des diabétiques obèses jeunes.
Concernant le traitement du diabète, de multiples pistes sont ouvertes ; greffes d’ilots, pompes intelligentes couplées à une mesure en continue de la glycémie, chirurgie bariatrique, prise en charge et accompagnement professionnel du patient durant le traitement.
Mais la prévention du diabète de type 2 ne sera possible ces prochaines décennies que par une intervention précoce et efficace sur le style de vie de l’homme. Ce doit être une intervention de prévention primaire. L’individu modifie de telle manière son comportement, que la maladie métabolique n’apparaitra pas. Le défi n’est pas seulement médical, mais surtout sociologique. Le monde de demain sera un monde de prévention primaire ou non. Il n’y a probablement pas de plan B !