02.11.2016
La Clinique de Valère accueille régulièrement des médecins qui ont l’opportunité d’en dire plus sur leur spécialité et leur passion à l’occasion de conférences publiques et médicales. Les participants peuvent ainsi en savoir davantage sur un sujet qui les concerne et peuvent profiter de poser leurs questions à un expert.
Ci-dessous, Prof. Dr. med. Daniel Savioz a répondu à nos questions sur le thème de l'obésité :
Prof. Savioz, pouvez-vous nous expliquer l’évolution du concept de chirurgie bariatrique à celui de chirurgie métabolique ?
Le développement de la chirurgie bariatrique, dès les années 1950, s’est adossé à un problème de santé publique majeur et inquiétant, soit l’émergence rapide de la pandémie d’obésité dans le monde. Plusieurs interventions ont été développées pour traiter les patients souffrant d’obésité sévère ou morbide. La logique de ces interventions se fondaient sur d’une part, la restriction des apports caloriques et d’autre part, la création de malabsorption. Plusieurs de ces interventions, comme par exemple le bypass jéjuno-iléal effectué dans les années 1950, ont été abandonnées en raison de complications excessives ou d’insuffisance de perte pondérale. L’accumulation du savoir de ces quelques décennies de chirurgie bariatrique, renforcée par la « success story » de la chirurgie laparoscopique peu invasive, a cependant permis de mettre en avant quelques interventions efficaces, grevées d’un taux de complications acceptables. Le by-pass gastroduodénal est ainsi considérée comme l’une de ces interventions standard. La chirurgie comme traitement de l’obésité sévère s’est d’autant plus imposée que pour l’heure aucun autre traitement ne permet une perte pondérale aussi conséquente et durable. En effet, il est clairement démontré et admis, que les nombreux régimes faisant appel à une restriction cognitive, provoquent de façon singulière une augmentation du poids au moyen terme. En fait, les régimes font grossir. Une approche plus subtile, embrassant la complexité du problème, s’est imposée par une approche diétético-comportementale en connexion avec la chirurgie. D’autre part, les nombreux médicaments se sont, quant à eux, révélés inefficaces ou dangereux et ont été systématiquement retirés du marché. La chirurgie bariatrique constitue donc pour l’heure le seul traitement efficient des obésités sévères.
Ce fait démontré et acquis, on aurait pu penser avoir atteint un répit. Mais tout au contraire, l’histoire s’accélère et ouvre des horizons insoupçonnés. Comme souvent en science, le concept initial de la chirurgie bariatrique, soit celui de la restriction et de la malabsorption, ne permettait pas d’expliquer des résultats « magiques ». Ainsi, certains patients obèses souffrant de diabète de type II requérant de l’insuline avant l’intervention, avaient pu se passer d’injection d’insuline immédiatement après l’intervention de chirurgie bariatrique. En 1992 déjà, Pories dans les « Annals of Surgery » avait posé la question qui allait ouvrir un nouveau paradigme « Le diabète de type II est-il une maladie chirurgicale ? ». Il entendait évidemment par là une maladie que la chirurgie pourrait traiter mieux que les médicaments antidiabétiques.
Quelle est donc la réponse actuelle à cette question ?
La réponse est, sans aucun doute, oui ! Ces dernières années, des évidences répétées nous ont permis de démontrer que la chirurgie bariatrique permettait de traiter les patients diabétiques, sévèrement obèses, mieux que les traitements médicamenteux conventionnels. Plus que cela, le traitement chirurgical, par exemple par by-pass gastro-duodénal, est également efficace chez des patients diabétiques, modérément obèses. On connaissait évidemment le lien intime entre l’obésité et l’apparition du diabète, provoquée par la résistance à l’insuline, liée à l’accumulation de graisse dans les tissus. Aussi, une perte pondérale permet logiquement de mieux réguler le taux de sucre dans le sang, en améliorant l’efficacité de l’insuline. La grande surprise a été de constater, qu’une amélioration du diabète chez les patients opérés par chirurgie bariatrique était quasi immédiate, et pas directement liée à la perte pondérale. Le concept initial de « restriction-malabsorption » ne permettait donc plus d’expliquer ces bons résultats. Une part de l’explication, mais pas la totalité, a été donnée par la découverte de l’activité d’hormones digestives, tel que par exemple le GLP-1, dont le taux de sécrétion change immédiatement par l’intervention, et engendre des modifications de sécrétion de l’insuline et de la résistance à son activité. En d’autres termes, une logique métabolique vient compléter le concept initial de « restriction-malabsorption ».
Ces changements hormonaux nous permettent également de mieux comprendre pour quelles raisons, les patients après by-pass gastroduodénal présentent une période d’absence de faim, liée par exemple à la diminution d’une autre hormone, la grehlin. Maigrir sans avoir faim est exactement l’inverse des régimes dangereux, basés sur la restriction cognitive que nous avons déjà évoquée.
Quels patients peuvent donc, pour l’heure, profiter de la chirurgie métabolique ?
Chaque patient souffrant d’obésité sévère ou morbide (c’est à dire avec BMI supérieur à 35) et de diabète de type II, requérant ou non de l’insuline, devrait pouvoir bénéficier d’une évaluation en vue d’une éventuelle chirurgie métabolique. Selon les circonstances, les résultats attendus d’une telle chirurgie pourront être nuancés, et l’indication opératoire pesée. Les patients souffrant de diabète de type ll et d’une obésité modérée, devraient, dans un avenir proche, être inclus dans une telle démarche.
De nouveaux types d’interventions sont en cours d’évaluation pour tenter de résoudre le problème du diabète de type II, non lié directement à une obésité.
Au tout début de son développement, la chirurgie métabolique s’adresse donc d’ores et déjà à de nombreux patients pour leur plus grand bénéfice.
Spécialiste en chirurgie générale et traumatologie et chirurgie viscérale, membre FMH